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Séminaire 5ème branche

En partenariat avec l'Institut Droit et Santé (Université de Paris)

Synthèse de la deuxième séance : les territoires de l'autonomie

Mercredi 1er juillet 2020

Présentation des intervenants

Marc Bourquin, conseiller Stratégie à la Fédération hospitalière de France,  Stéphane le Bouler, président de LISA, Pierre Mayeur, directeur général de l’OCIRP, Lydia Morlet-Haïdara, co-directrice de l’Institut Droit et santé.

Introduction par Stéphane le Bouler

La situation actuelle

Il y a aujourd’hui une vision restreinte et gestionnaire des territoires de l’autonomie. L’espace de gestion des établissements et services médico-sociaux résume le territoire, où il est question d’autorisation, de financement et d’inspection. Les débats sont focalisés dans cet espace limité depuis des années, si on excepte les quelques progrès réalisés à travers la Loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement.

Cet espace de gestion est non seulement restreint mais il est en plus doublement asymétrique : en termes d’échelon géographique et de portage, avec d’un côté l’opérateur collectivité au niveau départemental, et de l’autre, l’opérateur Etat-assurance maladie avec les ARS[1] au niveau régional.

Comme si cela ne suffisait pas, on est face à un imbroglio de compétences, détenues en propre ou partagées selon les types d’établissements.

Toute cette organisation est un héritage de l’histoire. Il s’agit d’une stratification bâtie au fil du temps, bien plus que d’un schéma rationnel. C’est par souci de compromis entre les acteurs et par crainte de devoir déconsolider les financements, que tout ce système a été construit… et est resté pour l’essentiel figé depuis une quinzaine d’années.

Concernant l’APA[2], il y a une articulation cette fois nationale-départementale, dans un registre de normes et de compensation financière, avec une suspicion réciproque de l’Etat vis-à-vis des départements au nom des disparités départementales, et des départements vis-à-vis de l’Etat au titre de l’insuffisance de la compensation, suspicion heureusement tempérée par la CNSA[3].

La situation actuelle est également caractérisée par l’absence d’investissement véritable des autres échelons territoriaux dans cette gouvernance :

  • La région n’a pas de compétences en propre sur ces questions de l’autonomie : elles vont simplement se mobiliser au titre de leurs prérogatives en matière d’aménagement du territoire, de développement économique et de formations ;

  • Les intercommunalités n’ont pas davantage de compétences en propre : elles vont notamment intervenir au titre de l’habitat et, lorsque l’organisation a été portée à l’échelon intercommunal, au titre de l’action sociale ; les contrats locaux de santé peuvent également être déployés à cette échelle ;

  • Les communes, quant à elles, ont un impact à travers les CCAS[4] et l’action au quotidien des personnels et des élus, mais elles ont plus perdu de compétences qu’elles n’en ont gagné au fil du temps dans ce domaine.

Dépasser cette approche

La situation actuelle étant globalement figée depuis une quinzaine d’année, il convient de déplacer les lignes. Les points discutés sont les suivants :

  • des questionnements récurrents autour de la pertinence de l’hébergement en établissement, ce qui percute directement l’approche gestionnaire du territoire ;

  • la nécessité de prendre en compte une approche domiciliaire rénovée ;

  • le besoin d’ouvrir le champ des politiques publiques ;

  • la volonté de dépasser le strict registre du territoire gestionnaire (autorisation-financement-inspection) ;

  • la nécessité de renouveler le débat sur le plan des financements.

Quel nouveau modèle ?

Aujourd’hui, les acteurs gestionnaires (Etat et collectivités) sont superposés sur un périmètre étroit. Un modèle de régulation sur un spectre plus large apparaîtrait plus adapté.

  • Il est nécessaire de consolider les allocations publiques dans un régime national harmonisé où les questions centrales seront celles de la redistributivité, de l’évaluation des besoins, du panier de biens et services et du financement ;

  • Il convient d’accorder une place significative à l’analyse des besoins territoriaux et à la place des usagers dans la prescription de ces éléments d’offre territoriale : autrement dit, ce n’est pas l’offre de services existante qui doit toujours prévaloir ;

  • Il est possible de s’inspirer d’autres secteurs de l’économie ou de l’action publique, où l’on a développé la notion de collectivité organisatrice ;

  • Les notions territoriales clés, à travailler pour leur antagonisme, vont être celles d’unité, de subsidiarité et de diversité.

Les sources d’inspiration

  • En 2004, le modèle de chef-de-file de l’action sociale et médico-sociale (en l’occurrence, le département) a émergé mais n’a jamais été véritablement déployé. La collectivité désignée est le chef-de-file au milieu des autres collectivités (y compris les opérateurs d’Etat). Derrière cette notion, il y avait bien l’idée d’une « collectivité organisatrice » ;

  • Le modèle de la petite enfance est également source d’inspiration. Il est caractérisé par des fonctionnements intéressants en termes d’articulation caisses-collectivités ;

  • La façon dont est gérée la diversité des échelles spatiales et des modes de prise en charge dans le champ des transports est elle aussi intéressante ;

  • Enfin, il peut y avoir un embryon d’organisation territoriale à travers les MDPH[5] devenues à certains endroits MDA[6].

Discussion

La notion de territoire recèle une certaine indétermination, voire une incohérence, en ce qu’elle caractérise l’enchevêtrement des compétences, qui ne permettent pas de faire émerger une logique territoriale rationnelle, et encore moins une logique de plateforme de services polyvalente. Notre système est donc loin de pouvoir bâtir une politique publique sur les attentes des personnes âgées. Dès lors, ce qui est attendu de la réflexion sur la 5ème branche de l’autonomie est clairement une rationalisation.

Le choix institutionnel des pays scandinaves est intéressant. En Suède, par exemple, ils ont opté pour une forte régulation publique par l’Etat au niveau financer et règlementaire, et en même temps pour une organisation de l’offre qui se fait sur la base des communes (de la taille de nos communautés de communes). Le maillage suédois vaut à la fois pour l’assurance maladie et pour le grand âge.

Les ARS peuvent avoir un rôle à jouer sur le territoire, à condition de déconcentrer leur action. En effet, ce n’est pas le siège des ARS qui peut accompagner les projets pour l’autonomie dans les territoires, cela doit être réalisé à un niveau plus fin.

Il faut par ailleurs permettre la transformation radicale des logiques d’autorisation, qui sont aujourd’hui extrêmement complexes et séquentielles.

Notre système est en effet fondé sur cette logique ancienne et bureaucratique de l’autorisation. Cette construction gestionnaire du territoire est organisée, encore aujourd’hui, essentiellement autour de la notion de places.

Des dispositifs donnant une autorisation globale à un opérateur qui, ensuite, contractualise avec les acteurs (communautés de communes, départements ou ARS) sembleraient une alternative adaptée. Cela nécessite plus que jamais la mise en place d’un réel système d’information.

Lorsque les ARS ont été mises en place, le schéma technocratique était le suivant : il fallait fermer des lits à l’hôpital et se préparer à faire face au vieillissement de la population, en créant donc plus de places en EHPAD[7], ou en repensant les possibilités de soins à domicile. Les Agences Régionales d’Hospitalisation ont alors été transformées en ARS dans le but de prendre en compte globalement les sujets santé et médico-social.

Il n’y a pas eu, quelques années après la création des ARS, de réel déversement de places de MCO vers la prise en charge du grand âge. Cette faible bascule s’explique par la complexité des mécanismes tarifaires (séjour hospitalier / séjour dans le médico-social) et par l’enchevêtrement des lieux et des niveaux de décision.

La question de la décentralisation, c’est-à-dire le fait de donner la compétence au département, peut être posée. En fait, soit les ARS mettent en place une forte déconcentration avec une vraie délégation de pouvoir donnée au délégué départemental par le directeur de l’ARS, soit elles s’effacent devant les départements. Ceci dit, il n’est pas certain que ceux-ci, dans leur majorité, soient aujourd’hui en mesure de reprendre les missions des ARS et de les exercer correctement.

Encore une fois, le débat est figé depuis de nombreuses années, et il est même régressif, dans la mesure où l’idée de délégation de compétence ARS-Département avait été évoquée au milieu des années 2000, pour mettre dans une seule main les ressources de la prise en charge, plutôt que celles-ci soient dispersées entre plusieurs acteurs gestionnaires.

Le débat sur les ARS (versus les départements) est aussi de savoir comment celles-ci sont susceptibles de se déployer globalement en matière d’accompagnement des personnes âgées, de prévention et de prise en charge des maladies chroniques, etc.

Le fait de conduire une réflexion sur une 5ème branche de protection sociale recèle une ambition à retrouver en termes d’organisation territoriale globale. Ce qui est fondamentalement attendu est bien plus une restructuration d’ensemble qu’un ravaudage de compétences.

 

[1] Agences régionales de santé.

[2] Allocation personnalisée d’autonomie.

[3] Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

[4] Centre communal d’action sociale

[5] Maison départementale des personnes handicapées.

[6] Maison départementale de l’autonomie.

[7] Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

LISA

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