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Séminaire 5ème branche

En partenariat avec l'Institut Droit et Santé (Université de Paris)

Synthèse de la première séance : problématique d'ensemble

Mercredi 24 juin 2020

Présentation des intervenants

 

Marc Bourquin, conseiller Stratégie à la Fédération hospitalière de France ; Etienne Caniard, vice-président du groupe Matmut, ancien président de la Fédération nationale de la Mutualité française ; Cyrille Isaac-Sibille, député ; Stéphane Le Bouler, président de LISA ; Geneviève Mannarino, vice-présidente du Conseil départemental du Nord ; Pierre Mayeur, directeur général de l’OCIRP ; Marie-Anne Montchamp, présidente de la CNSA ; Lydia Morlet, co-directrice de l’Institut Droit et Santé ; Michel Yahiel, directeur des retraites et de la solidarité, Groupe Caisse des dépôts.

Introduction de Stéphane Le Bouler : les attendus de cette première séance

Cette séance est destinée à positionner le sujet de la 5ème branche comme une problématique contemporaine, avec des enjeux renouvelés. Comment définir la 5ème branche ? En quoi cet objet est-il spécifique, voire innovant ? En quoi la problématique a-t-elle évolué par rapport aux épisodes précédents (fin des années 1990 et 2007-2010) ? Quelles sont les thématiques à travailler particulièrement ?

Histoire de la 5ème branche

L’expression de 5ème branche n’est pas nouvelle : elle a été utilisée pour la première fois par Jean-Pierre Raffarin lors de la création de la CNSA[1] en 2004-2005. L’idée de « cinquième risque » avait quant à elle circulé dès les années 1990.

En 2017-2018, la grève des personnels des EHPAD et les mouvements sociaux du côté de l’aide à domicile ont relancé une nouvelle fois le débat sur la « dépendance » et la qualité de la prise en charge. L’avis du CCNE[2] de 2018 a mis en lumière la maltraitance des personnes âgées en situation de perte d’autonomie. Tout cela a conduit le Président de la République à acter une réforme d’ampleur autour du Grand âge, dont la préparation a reposé sur une vaste consultation conduite par Dominique Libault, qui a abouti à un rapport évaluant notamment un effort budgétaire complémentaire de l’ordre de 8-10 milliards d’euros par an pour faire face au vieillissement de la population.

La crise Covid-19 a depuis renouvelé les questionnements, avec en particulier cette interrogation : si la France avait été dotée d’une véritable politique de l’autonomie, un confinement généralisé de la population sur l’intégralité du territoire aurait-il été nécessaire ?

Définition de la 5ème branche

L’idée fondatrice d’une branche dédiée à l’autonomie est l’articulation d’un modèle personnaliste dans une construction nationale : un modèle qui soit capable de prendre en compte la situation des personnes telles qu’elles sont, là où elles sont.

La branche de l’autonomie s’inscrira dans le champ de la protection sociale, au-delà de la sécurité sociale en tant que telle. En effet, un système de sécurité sociale se définit par les éléments suivants :

  • Un financement par les cotisations sociales ;

  • Une gestion qui intègre les partenaires sociaux ;

  • Un réseau de caisses permettant de mettre en œuvre au niveau local des orientations décidées au niveau national ;

  • Un principe « Je cotise selon mes moyens et je reçois selon mes besoins ».

Or, pour la question de l’autonomie, nous nous inscrivons dans un dispositif qui existe déjà, autour de la CNSA, qui n’a pas de réseau et qui fait intervenir les collectivités territoriales ; et cette branche ne sera pas financée uniquement par les cotisations sociales.

Le terme de « protection sociale » est en effet plus large que le terme « sécurité sociale » : le périmètre « sécurité sociale » est complété par une protection sociale complémentaire où interviennent des acteurs divers, comme les retraites complémentaires, l’assurance-chômage, les sociétés d’assurance, les mutuelles…

De plus, la personne aidée au titre de l’autonomie ne recevra pas une ressource qui sature ses besoins en termes financiers, puisque ses dépenses ne seront pas prises en charge en intégralité. Enfin, le montant des aides dépendra du revenu de la personne, voire de son patrimoine, ce qui diffère du mécanisme de la Sécurité sociale.

La notion de choix distingue enfin cette 5ème branche : il faut tenir compte des aspirations et des préférences des personnes quant aux modalités de prise en charge.

Prévenir pour préserver l’autonomie

Il faut pleinement intégrer la prévention dans la réflexion autour de la branche autonomie et dans sa mise en place, pour maintenir le plus longtemps possible les capacités des personnes pouvant être limitées par le handicap ou l’avancée en âge.

La notion de prévention de l’autonomie est très spécifique, en ce qu’elle relève de l’intime et de l’idée que l’on se fait de soi. Il faut donc une compréhension profonde de l’intérêt des personnes à agir en prévention.

Il faut souligner que les outils de prévention de la perte d’autonomie sont ceux qui ont le retour sur investissement le plus performant : ils permettent très rapidement de retarder significativement l’entrée en dépendance. Cependant, ils sont trop peu souvent mis en avant, car ils ne sont pas rémunérateurs pour les acteurs qui les mettent en place. Il faut donc trouver un moyen pour que la prévention soit rémunératrice pour ces acteurs. Où l’on retrouve des questions que l’on connaît bien dans le champ de la santé.

Financement de la 5ème branche

Comment financer la création de la 5ème branche, compte-tenu :

  • de l’état actuel des finances publiques et sociales : les branches vieillesse et maladie présenteront en 2020 un déficit de plus de 60 milliards d’euros dû pour l’essentiel à un manque de cotisations ;

  • de l’engagement des pouvoirs publics de ne pas augmenter les prélèvements ;

  • et du coût majeur que représente la revalorisation des rémunérations du personnel de santé ?

Suite à un arbitrage obtenu par le ministre des Solidarités et de la Santé, il a été décidé que la politique pour l’autonomie bénéficiera d’une ressource financière de 0.15 points de CSG à l’horizon 2024 (environ 2.4 milliards d’euros). Ce financement demeure partiel et l’horizon lointain. La contrepartie, en quelque sorte, a été d’acter précocement la création d’une branche autonomie.

Il faut dès lors construire un dispositif avec une part très importante de solidarité nationale publique, et une part dévolue aux acteurs privés. Il faudra sans doute répartir l’effort par compartiment : participation des usagers avec la question du patrimoine et de la solvabilisation du reste à charge, partage entre solidarité nationale et secteur privé (formules assurantielles éventuellement obligatoires, possibilité de s’appuyer sur les contrats de prévoyance des partenaires sociaux pour y incorporer le risque autonomie…)…

La question de la soutenabilité de la réforme au niveau financier devra être travaillée pour éviter qu’elle n’échoue. Pourquoi pas à travers une loi de programmation des ressources publiques à investir dans l’autonomie ?

Les nouvelles technologies vont faciliter l’autonomie et le travail des personnels du domaine – surtout pour les générations à venir. Il faut donc prévoir d’investir dans ce domaine, sans omettre de faire le bilan de toutes les innovations qui ont pu être financées, sans débouchés réels depuis quelques années.

Gouvernance de la 5ème branche

Il existe un large consensus sur l’idée que la CNSA soit l’institution de gouvernance responsable de la 5ème branche. Quelques remarques à ce stade.

La gouvernance ne saurait être séparée des problématiques financières : la gouvernance de ce risque ou de cette branche (selon que l’on retient un périmètre étroit ou plus large) doit être incarnée dans les engagements financiers de l’ensemble des acteurs. Cela nécessite d’impliquer dans la gouvernance à la fois l’Etat, l’Assurance maladie, mais aussi les autres financeurs comme les conseils départementaux et les usagers eux-mêmes.

Il faut aussi évoluer vers une gouvernance plus ascendante, qui parte des territoires. Il faut une organisation territoriale vertueuse, ce qui suppose un diagnostic territorial : qui sera l’organisateur, qui sera le financeur ?

Il faut largement simplifier le fonctionnement du système d’acteurs. Le système actuel est le résultat de la dispersion des compétences et de l’accumulation de dispositifs de liaison entre des acteurs qui restent très éclatés.

À partir du moment où la politique de l’autonomie doit être transversale et sortir du champ unique de la protection sociale, il faut que la CNSA soit un organisme non pas gestionnaire, mais assembleur de politiques publiques disjointes concourant toutes à renforcer l’autonomie des personnes (comme la politique du logement, par exemple). D’où l’importance des territoires, qui permettent souvent une approche plus transversale, et la nécessité de décloisonner les champs public/privé, national/local, protection sociale/hors protection sociale… D’où l’importance aussi de la notion de régulation, au sens fort du terme.

 

[1] Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

[2] Comité consultatif national d’éthique.

LISA

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